~ I ain't done much healing

« Je t’ai pas vu à l’église » Elle jeta un regard malicieux à son frère. Elle savait pertinemment qu’il n’y était pas allé. Qu’il n’y allait plus, qu’il n’y avait presque jamais été. Et surtout, elle savait que son absence sur ces bancs bénis avaient le don d’exaspérer leurs parents. Pire encore, ils ne l’acceptaient pas. Ils tenaient à leurs valeurs catholiques, leur valeur anciennes, des valeurs qui pouvaient sembler ancestrales pour certain. L’apparence, la bonne conduite. C’était tout ce que les parents Belinski voulaient, et en particulier leur père. Il voulait qu’on admire leur nom, qu’on le prenne comme modèle. Un voile blanc, immaculé de saleté au revers. Un voile blanc tâché derrière par les frasques douteuses du patriarche. Mais surtout, c’était un voile blanc qu’Osha  avait dut supporter dès son plus jeune âge. Des cheveux bien peignés, une tenue parfaite, une attitude d’une sagesse irréprochable, un vocabulaire soutenu, des notes excellentes à l’école, pas de débordements. Bref, la panoplie parfaite de la gamine parfaite. Règles qu’elle avait méticuleusement veillé à respecter, du moins, à faire croire à ses chers parents qu’elle les respecter, au pied, et à la lettre. C’était sans doute un héritage, une tare de son père de se cacher derrière les faux-semblants, et il faut dire qu’elle maîtrisait cet art à la perfection avec ses parents. Cacher la vérité à ses parents sous un masque de glace, le costume parfait de la fille dont il rêvait, oui. Mais elle s’interdisait de franchir des limites irréparables envers ses amis. Elle avait besoin de cette rationalité, de cette chose qui lui permettrait toujours de faire la différence entre le bien et le mal, le vrai et le faux.
« T’as vraiment que ça à faire. Au moins, je ne suis pas leur toutou » Luke répondit à la bataille qu’elle venait de lancer. Et là, ça faisait mal. Elle adorait être ce modèle, cette fierté dans le regard de ses parents, mais elle était aussi partagée par ce certain manque de liberté qu’elle s’infligeait en agissant de la sorte. Mais ça, elle ne le laissait pas apparaître. Jamais. « C’est ça, continue de sourire, tu verras bien ce qu’il se passera quand tu seras privé de tes jeux. D'ailleurs, tu les as rangé où ? Ah, oups... »Elle eu un petit rire emplit de sarcasmes. Des gamins, c’est tout ce qu’ils étaient. Ils ne s’étaient jamais supportés, toujours à se rabaisser. Chacun prenait toutefois le temps de préparer minutieusement des munitions contre l’autre, prêt à l’assaut. Provocation affective, bataille fraternelle.
Osha resserra sa queue de cheval et tourna les talons, frôlant presque Reid. Elle prit soin de ne pas le touchant, comme s'il avait la gale. A vrai dire, qu'il l'aie, c'était fort possible en vue de ses fréquentation. Bref, elle ne prit même pas la peine de regarder, et fila dans sa chambre, pour "réviser". C'est toujours l'excuse qu'elle balançait quand elle allait jouer au petit chimiste avec ses fioles piquées en cours de biologie, ou qu'elle passait des heures au téléphone avec des amis.


Elle avait l’impression d’assister à un procès. Son propre procès. C’était peut-être parce que son cher papa était toujours persuadé qu’elle faisait ses études de politique. Pour l’entraîner à ne pas perdre ses moyens devant un public tenace. Mais elle gardait la tête haute, sirotant le thé que maman avait préparé avec amour, un doux sourire aux lèvres. « Tes études se passent bien, je suis sûre que tu dois être la première de ta classe. Dommage que tu ne sois pas née ici, tu ferais une superbe présidente » Elle failli pouffer de rire. Failli seulement. Elle avait toujours cette force pour rester de marbre, même si il faut dire que parfois, le père Belinski avait de drôle d’ambitions pour elle. Si il savait. Si il savait que sa petite poupée parfaite l’était bien moins que ce qu’il pensait. S’il savait qu’elle profitait pleinement de ses études de biologies, s’il savait ô combien elle était douée dans la recherche, s’il savait que son livre de chevet était loin d’être la bible, s’il savait qu’elle n’habitait non pas avec une amie issue d’une famille très catholique, mais avec deux hommes, dont son copain. S’il savait. Il l’assommerait à coup de bible, avant de l’enterrer les mains liées autour d’une croix. Grâce à Dieu, il ignorait tout.
« Oui,je suis major de ma promotion… » Des petits mots timides. Elle était toujours en retrait pour ce genre de choses. Jamais à se vanter, jamais à se prendre pour une superstar. Non, bien au contraire. Quand bien même ses allures de poupée parfaite un peu hautaine sur les bords donnaient l’impression d’un ego surdimentioné, ce n’était pas le cas, du tout. Bien sûr, la bulle Belinski avait fait son effet, elle était un peu à part parfois, avec ses attitudes. Bref. Des petits mots timides, mais qu’elle usa avec sagesse. En soi, ce n’était pas un mensonge à vrai dire. « Bravo, ma fille, je suis si fier de toi. » Un petit sourire fier, si fier. Et puis une mine sérieuse, à en donner des frissons. Le père Belinski avait le don d’être créatif pour annoncer des mauvaises surprises, et c’était bien ce qui inquiétait Osha. « Ta mère et moi pensons qu’il est temps pour toi d’évoluer dans la vie. Après tout, même si tu vis très bien avec ton amie, il serait préférable que tu trouves un homme. » Il marqua une courte pause, de quoi glacer le sang. Mais Osha resta de marbre, comme toujours. «  Nous avons trouvé un jeune homme sérieux et d’admirable, il serait bien que tu le rencontres. Il va venir dîner ce soir avec ses parents » Son petit coeur failli se stopper net. Des mots bien jolis, bien mis en forme. Elle, tout ce qu’elle y voyait, c’était qu’ils allaient la pousser à se marier à un type qu’elle ne connaissait pas. Cette fois, elle allait peut-être dévoiler l’envers du décor, faire tomber le masque pour y échapper. Ou un plan. Oui, un plan bien ficeler pour s’en tirer sans se sentir obligé de se marier à ce foutu jeune homme.


Un paquet de pop-corn géant, des sodas, un pack de bière, et une poignée de films sur une clé USB. Et surtout, son sourire. Son doux sourire étincelant, celui qu’elle utilisait toujours pour remonter le morale de ses proches. Elle sonna à la porte, cette dernière s’ouvrit pour laisser apparaître le visage de Leah, sa meilleure amie. Un visage si pâle, si triste, décomposé. Osha dut faire un effort surhumain pour ne pas perdre sa bonne humeur. Elle n’avait pas le droit. Non, pas le droit de montrer sa tristesse quant à l’état de son amie, pas le droit de montrer son inquiétude face à ce foutu cancer qui qui la bouffait de jours en jours. Alors, elle lui tendit le pop corn, toujours ce sourire radieux aux lèvres. « Ne t’en fait pas ma belle, ce soir c’est peut-être l’anniversaire de Liam, ça va être une super soirée, mais nous, ensemble, on va passer une soirée encore meilleure, inoubliable !!! » Pleine d’énergie, elle entra. Elle tenait à lui montrer que sa maladie ne l’empêchait d’être heureuse, elle se décarcassait pour lui prouver. Elles avaient toutes deux été invités à cette soirée de l’année, organisée par l’un de leur meilleurs amis, mais l’état de santé de Leah ne lui permettait pas d’y aller. Un rechute, cet saleté de cancer qui reprenait le dessus sur les forces de la jeune femme. Au final, Osha réussit tout de même à faire décrocher un sourire à son amie. Elle avait l’air si fatiguée, si faible… Mais non, stop. Osha lui ferait passer une super soirée, elle lui redonnerait un moral d’acier, comme toujours. Elle avait le don de lui transmettre sa bonne humeur, de lui apprendre à se battre contre ces cruelles épreuves. Osha, c’était ça. Une boule de bonne humeur qui te faisait toujours sourire, et qui s’interdisait d’avoir mal pour toi, du moins, devant toi.
« J’ai prévu des films, tes films préférés, des films drôles, et des films débiles, histoires qu’on rigole bien. Ah, et tiens, ça c’est la liste de nos défis. Voler un slip kangourous au voisin, c’est le pire du pire, t’en fait pas. Et la bière, je sais que t’as pas le droit, mais une bien diluée, ça te fera du bien au moral » L’espoir, toujours l’espoir. Un lumière brillante dans le coeur d’Osha, qui masquait la peur de perdre son amie. Guérir le cancer n’était plus seulement une ambition, un défi, mais une nécessité, pour Leah.

On pouvait sentir son délicieux parfum depuis l’autre bout du couloir. Ses cheveux soigneusement coiffés, son manteau sur le dos et son sac entre les mains, elle s’apprêtait à aller passer l’après-midi avec Leah. Avant de partir, elle prit la peine de ramasser les deux canettes de bières qui traînaient sur la table. Vivre avec deux hommes, c’était ça. Ramasser les miettes, les canettes, les verres. Elle le faisait de bon coeur des fois, ou plutôt quand elle était d’humeur à le faire. Sinon, elle les rappelait à l’ordre. Elle avait appris à ne pas se laisser marcher sur les pieds, ne pas jouer les femmes à tout faire. Elle avait beau être la plus jeune, elle avait souvent la sale impression de vivre avec deux enfants, deux ados. Mais c’était elle qui l’avait choisit, après tout, simplement pour vivre auprès de Jag. Mais là, ça devenait difficile, peut-être même trop. Elle gardait son moral d’acier, son énergie, son joli sourire, tentant jour après jours de faire comprendre à Jag qu’elle avait besoin de plus d’espace, du moins, d’être plus proche de lui, qu’ils vivent à deux, qu’ils avancent.
Les bière à la poubelles, elle trouva encore le moyen de ramasser un pull qui gisait sur le sol. Puis, elle se dirigea vers le canapé, vers Jag. Elle déposa un doux baiser sur ses lèvres. Il enleva le casque de ses oreilles, lui adressant un petit sourire. « J’y vais, je rentre en fin d’après midi » Elle s’apprêta à repartir, lorsqu’il la prit par le bras « Tu vas où ? » Un petit air interrogateur, presque inquiète dans son regard. Elle ne put s’empêcher de sourire. Ce genre d’attentions, aussi futile soient-elles, lui faisaient toujours plaisir. Au moins il lui montrait qu’il tenait à elle. « Je vais voir Leah, je lui ai promis de l’emmener faire les magasins » Elle marqua une courte pause, avant de se rapprocher de lui . [color=palevioletred]«  On pourrait sortir ce soir, non ? » « Oui, bonne idée, je préviens Raffer pour qu’il prévoit rien d’autre, il a toujours de bonnes idées pour passer une super soirée. » Elle masqua un soupire sous un faux sourire. Elle commença à repartir, avant de se retourner. « Je pensais qu’on pourrait sortir seuls, je veux dire tous les deux. » Pas de réponse. Il avait déjà remis son casque sur les oreilles. Elle réessaierait plus tard, elle était déjà bien en retard.

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